« Je refuse de brader mon concept »
« Je n’imagine pas une semaine sans mon épisode. C’est thérapeutique ! » « Il est 21h42 chez moi à Montréal et mon coeur est si lourd. J’ai l’impression de perdre un ami de toujours. » Près de 200 réactions sur la page facebook de "La Planète bleue", d’autres sur le "livre d'or" du site web de l'émission. Des mots de regrets et de reconnaissance envoyés depuis Porrentruy, Lyon, Stockholm ou Sydney. « Merci pour cette bulle d’oxygène dans un paysage médiatique de plus en plus formaté et conformiste, où le questionnement n’a pas sa place », écrit Cíntia de Porto.
"La Planète bleue" est un ovni, défricheur musical sur tous les continents, philosophe et écolo. Créée en 1995, l’émission est diffusée par Couleur 3 et podcastée dans une cinquantaine de pays. Elle est indissociable de son concepteur et animateur Yves Blanc, ancien de Radio Nova, France Inter et Arte, collaborateur de la revue Sciences et Avenir. Le succès de son émission, il l’a bâti sur "le télescopage entre tradition et anticipation, tribal et digital".
La liberté avant le cachet
Yves Blanc fabrique ses modules dans son "chalet numérique" du Vercors. Ses épisodes sont livrés prêts à diffuser, une sélection musicale régulièrement compilée sur CD (le 9e opus est paru récemment). Une indépendance qui ne rentre plus dans les cases. « Nous sommes très fiers d’avoir diffusé La Planète bleue pendant si longtemps », assure Nicolae Schiau, nouveau patron de la radio. « Couleur 3 l’achetait à Yves Blanc, mais la future grille impose que la production soit intégralement conçue dans nos murs. »
L’intéressé a décliné les propositions qui lui étaient faites. « Je refuse de brader mon concept. J’ai toujours placé la liberté avant le cachet. » Et ne lui parlez pas de refus d’évoluer : « La Planète bleue est un laboratoire en mutation constante. L’approche journalistique, la programmation musicale et l’habillage n’ont cessé d’évoluer, par petites touches. Il faut respecter son public. »
L’émission serait trop intello, pas assez "djeuns", croit savoir Yves Blanc, qui déplore les refontes successives à Couleur 3, selon lui vouées à l’échec et oublieuses de leur mission de service public. L’idée d’un bloc "jeune" homogène lui paraît dénuée de bon sens. « Mon fils a 17 ans, ses amis aussi, ils sont curieux du monde et mus par un tas de questionnements. »
Un auditeur : « J'ai grandi avec La Planète bleue, j’avais 18 ans, aujourd’hui 40. Tu m’as ouvert les yeux sur la réalité de notre planète, fragile, multiculturelle, multiethnique, pour moi qui n’étais qu’un gamin de la campagne. » « La Planète bleue » ira chercher une herbe plus verte ailleurs, tandis qu’Yves Blanc mettra la dernière main à un livre sur les coulisses d’une aventure radiophonique singulière.
Propos recueillis par Roderic Mounir